Piste d’écriture : 5 expressions utilisées en mini-chapitres
1. La chambre d’Émily
Dans la chambre d’Émily, ou devrais-je plutôt préciser : dans le capharnaüm qu’est la chambre d’Émily, une carte prédominait au-dessus de tout un fatras de journaux, magazines, livres, tous entassés les uns sur les autres en une tour prête à s’effondrer au moindre souffle d’air.
Mais, ne lui dites surtout pas qu’elle doit ranger car elle vous répondra que tout ce qui est important est bien classé, dans un ordre qu’elle seule est capable de comprendre.
Au milieu de ce cataclysme « bouquinistement » phénoménal, Émily organisait son futur voyage. Depuis des semaines, elle lisait les cartes, se les appropriait, pointait les lieux qu’elle désirait visiter.
2. Journal de bord interrompu
À partir du jour où elle décida d’entreprendre ce voyage, qu’elle se plaisait à nommer : le voyage de sa vie, elle tint un journal de bord.
Pourquoi de bord ? demanderez-vous.
Et bien, parce qu’elle allait devoir naviguer sur plusieurs bateaux pour rejoindre le continent qui l’intéressait tant, celui qui représentait pour elle la Liberté ! Elle écrivait donc, chaque jour, bien avant son départ, tout ce qu’elle envisageait pour l’organisation de son rêve éveillé.
Elle noircissait les pages, les unes après les autres, envisageait toutes sortes de situations catastrophiques susceptibles de lui arriver, c’était son côté « angoissé » qui s’exprimait ainsi. Elle expliquait à qui voulait l’entendre, que le pire étant couché sur le papier de son journal, rien ne pourrait donc se produire dans la réalité !
Illusion ! Utopie ! Invraisemblable chimère, lui disait ses amis que de croire en cela ! Émily faisait la sourde oreille, plaisantait en détournant la conversation et continuait comme si elle n’entendait aucune de leurs paroles.
Quand elle butait sur une étape, plus difficile que les autres à organiser, elle s’interrompait durant quelques jours, le temps pour elle de la réflexion, puis reprenait son journal. Rien ne lui résistait, elle était d’un caractère redoutable lorsqu’elle avait une idée en tête.
3. Quand la nuit tombe
Enfin, un jour, elle fut en route pour ce voyage qu’elle avait tant de fois répété dans sa tête.
Alors qu’elle dormait sur le troisième bateau qui l’emmenait vers le continent tant convoité, et que la nuit tombait sur les mâts et cordages de ce voilier magnifique d’élégance, elle se berçait des sons et résonances du doux clapotis de l’eau sur la coque bleu nuit du trois-mâts.
La lune se reflétait à l’infini sur les flots apaisants du Pacifique. Ils mouillaient pour la nuit dans une anse naturelle abritée des vents marins. Accoudée au bastingage de cuivre, elle se laissait envahir par un étrange sentiment.
Serait-ce ce que les marins nommaient « l’appel des sirènes ? »
4. Découper des trous dans le monde
Quoi de plus extravagant que de prendre une carte, de laisser tomber un doigt au hasard sur celle-ci et d’envisager cela comme d’éventuelles étapes ? Émily s’y amusait souvent, désinvolte dans ses choix audacieux.
C’est ainsi qu’elle parcourut des miles afin de rejoindre ces bouts de terres choisies à l’aveuglette. Elle y rencontra des personnages hauts en couleur, ayant le verbe fleuri et la barbe rousse. Ils s’amusaient de ce petit bout de femme, ayant franchi la barre des 60 ans, exubérante et un brin fofolle dans ses habits à gros motifs, gaiement colorés.
5. Phoques et kayaks
Quelle ivresse !
Le vent dans ses cheveux retenus à la va-vite par un foulard déniché dans un des nombreux marchés visités, cramponnée à son kayak de quatre places, elle contemplait le dos musclé du pagayeur assis devant elle. Les muscles roulaient sous le pull de l’homme à chacun de ses mouvements pour manier la pagaie.
En cette saison estivale, l’air marin chargé d’iode lui fouettait le visage, et les éclaboussures se jetant sur ses bras, lui rafraîchissaient agréablement le corps.
Son guide lui avait conseillé le kayak comme embarcation, qui était la plus appropriée pour approcher les phoques sans les effrayer.
Ils arrivaient, à présent, tout près de leur lieu de rassemblement et c’est les pagaies relevées, dans un silence total, laissant glisser le kayak sur les flots calmes, qu’ils approchèrent ces splendides animaux.
Émily ferma les yeux un instant, huma l’iode lui emplissant les sinus, puis les rouvrit et de son doux regard, enregistra le maximum d’images, tel un kaléidoscope photographiant la palette de couleurs offertes par la nature.
Elle était enfin au bon endroit, celui qu’elle avait attendu depuis toutes ces années.
Elle réalisait le rêve de sa vie !
Corinne Christol-Banos – Copyright 2020