J’héberge pour un temps, le loup expulsé de la bergerie.
Comme chaque soir à la tombée de la nuit, lorsque la lune est au plus haut dans le noir étoilé, le loup se glisse une fois encore dans l’antre attirant des demoiselles esseulées.
Il s’aventure nuque baissée, sûr de ne pas être remarqué afin d’accomplir son rituel nocturne de chasseur affamé.
Une patte d’abord, puis deux, son regard luisant de prédateur affûté, prêt à bondir sur tout ce qui bouge.
À peine introduit auprès de ces dames, il repère celle qui, pour un instant, sera susceptible de lui convenir.
Il attend le bon moment, ne se précipite pas.
De leur côté, les belles s’affairent, inconscientes du danger. Elles ne l’ont pas encore aperçu.
Soudain, l’une d’entre elles, le voit. Elle redresse la tête, le hume, l’observe.
Est-il un danger ? Un plaisir ?
Elle le regarde intensément.
Est-il venu pour elle, tout spécialement ?
Son parfum de dominant lui chatouille les narines.
Enfin, il entre en scène, en pleine lumière. Son costume d’un noir ténébreux l’auréole d’une dimension mystique. Le crin noir lui aussi, et les yeux brillants en font un spécimen d’une rare dangerosité.
Il s’approche de sa future victime, tout doucement, le regard dans le sien. La belle ne bouge plus. Elle l’attend. Le scénario est joué en deux temps. Le premier consiste à une phase de séduction qu’il mène « tambour-battant ». Le deuxième se déroule à l’abri des curieux, dans l’arrière-salle.
Espère-t-elle une romance d’une vie ? Si c’est le cas, elle sera bien déçue. Le loup a faim et il consomme sa victime comme il attaquerait un bon repas. Goulûment et rapidement.
Il a à peine commencé que c’est déjà terminé. Il abandonne sa conquête sur le canapé sans un regard en arrière. Ne s’intéresse ni à ses sentiments, ni à son ressenti.
Après, il rentre, apaisé et repu.
Il n’est plus le bienvenu dans la bergerie.
Il ne me dit rien comme à son habitude. Je n’ai qu’à le regarder pour comprendre qu’il a accompli son rituel.
Demain soir, il se préparera avec soin, affûtera ses armes de séducteur, et partira en chasse.
Il choisira une autre bergerie.
Je l’accueille, une fois de plus dans mon refuge, mon pote, mon frère.
Corinne Christol-Banos – Copyright 2019