Les arômes de l’enfance

Corinne-Christol-Banos-Ecrivain-Les-Arômes-De-L-Enfance

Piste d’écriture : boite à souvenirs.

Carottes, poireaux, céleris, oignons, navets, pommes de terre, clous de girofle…

Une farandole de légumes que l’on cuisine souvent en hiver lors des journées très froides. Leurs palettes de couleurs habillent nos casseroles des teintes des froidures hivernales.

Les carottes, joyeuses de carnation, s’amusent à nous teindre les doigts en orange. Leur parfum doucereux, mélange de sucré-salé naturel en bouche, contraste avec leur coloris chatoyant.

Les poireaux m’ont toujours agressé les narines avec leur forte odeur puissante, rappelant celle des oignons jaunes qui me font monter les larmes aux yeux à chaque épluchage.

Quant au céleri, son chatouillement piquant relève les plats avec humour. N’est-il pas amusant, lui qui se donne des airs de grand avec ses branches et ses feuilles ?

La rondeur du navet, fade et piquant en même temps, m’évoque une pomme de terre qui aurait pris, au dernier moment, une tout autre direction et se serait vêtue d’une tenue originale.

Pour enfin en venir au clou de girofle. Quel drôle de nom ! Clou ! Il est vrai que si l’on s’y attarde un moment, on note que le sommet de sa tête ressemble à s’y méprendre au clou des bricoleurs. Que dire de son arôme intense ? Il vous saisit dès l’ouverture du couvercle et ne vous lâche plus ! C’est une sensation à la fois de puissance, d’acidité, une force insensée qui se dégage d’un si petit bout d’épice. C’est un précieux allié pour nos plats d’hiver, et il est redoutable pour lutter contre les infections dues au froid.

Tous ces légumes m’évoquent un souvenir particulier. Un souvenir qui me tient chaud lorsque la nostalgie de mon enfance remonte tout le long de ma colonne vertébrale pour venir se loger tout près de mon cœur.

* * * 

Un matin de janvier 1987, l’étrange silence qui régnait dans la maison familiale me réveilla. Je me levais et ne trouvant personne, j’errais de pièce en pièce. Enfin, je les trouvais plantés devant la fenêtre de la salle à manger, tête contre tête, regardant je ne sais quoi au-dehors.

Je m’avançais et surprise, stoppais net. Un mur épais, blanc et oscillant avait remplacé l’habituelle vue de notre quartier ! Ma famille m’entendant arriver me laissa prendre place auprès d’eux pour contempler la splendeur de la nature.

Quel paysage !

La rue, les arbres, les voitures, les jeux d’enfants dans le parc, avaient disparu sous un manteau de neige d’un blanc aveuglant ! Des tourbillons de flocons dansaient, emportés par le vent. La route méconnaissable, s’alourdissait sous plusieurs dizaines de centimètres d’une neige épaisse. Les branches des arbres croulaient sous cette masse étincelante. Quelle joie de contempler une telle merveille. Dans le midi, elle ne fait que de rares apparitions et encore, en toutes petites quantités !

Je me rappelle être restée comme ça longtemps, admirative de la transformation du paysage. Mon père me fit remarquer que la voiture au bas de l’immeuble ne se voyait presque plus, ensevelie par les bourrasques de tourbillons de flocons, venus se caler tout contre elle.

Il me proposa de la déblayer avant qu’elle ne disparaisse totalement. Nous avons passé la matinée à manier la pelle, joyeusement, aux côtés de nos voisins qui faisaient la même chose. Moment complice, d’une rare unité, entre gens heureux de se retrouver.

Nous sommes remontés, notre travail achevé, fatigués et affamés.

Le fumet d’un pot-au-feu mijotant dans son faitout nous accueillit avec délice. Ses notes bienfaisantes, la chaleur qu’il dégageait dans toute la maison, nous réconfortèrent.

Ma mère avait préparé ce plat, car avec le froid qui régnait à l’extérieur, elle avait pensé que cela nous ferait du bien de manger un plat typiquement hivernal. Quelle bonne idée !

La soupe préparée avec le bouillon du plat, la viande tendre se déchiquetant sous notre fourchette et les légumes fumants dans nos assiettes, nous apportèrent à ce moment-là, le complément, le juste nécessaire à cette extraordinaire journée.

Tous ces légumes réunis dans ce plat convivial autour de notre table familiale, avec les personnes chères à mon cœur, resteront pour toujours gravés dans mon âme.

Corinne Christol-Banos – Copyright 2020

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