Violette

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Ce soir, un éclair est passé au-dessus de mon lit. C’était une larme. Elle a roulé sur le rayon de lune, a glissé en douceur sur mes cheveux cendrés, a frôlé les mains de ma mère pour s’écraser sur mon corps allongé.

Cette larme, c’est celle de maman. Je la regarde avec émotion, je m’aperçois qu’elle pleure. Papa est de l’autre côté du lit, il tient mes mains, sa tête contre mes jambes.

Et moi… je vole…

Oui je vole et j’adore. Je suis enfin légère, débarrassée de ces fils qui me maintenaient prisonnière, qui m’empêchaient de respirer. Les ailes déployées, je vire contre les murs de ma chambre et je ris aux éclats. De mon perchoir, je peux me voir, pauvre petite chose qui n’est plus moi.

Maintenant je le sais, ma vie c’est de ne plus vivre. Qu’est-ce vivre lorsque l’on est obligée de subir des traitements infernaux, d’avaler des pilules amères, de voir ses cheveux déserter ?

Vous me trouvez certainement égoïste ? Pourtant, je ne le suis pas. Je suis juste enfin moi, comme je l’ai toujours rêvé.

Mes pauvres parents sont malheureux. Ils ne pourront plus me parler, me toucher mais moi, je serai bien là, tout près d’eux.

Regarde maman, je suis le petit papillon blanc qui vole près de toi dans le jardin.

Regarde papa, cette petite coccinelle ne te rappelle pas quelqu’un ?

Je serai toujours près de vous mes chers parents, mais ce soir je vole…

Lorsque ton chagrin sera trop violent, ma petite maman, tu n’auras qu’à pencher ta tête contre ton épaule gauche et ta petite Violette viendra se poser et caresser ta joue…

Papa, lorsque tu sentiras monter en toi la colère froide de l’incompréhension, contre ton épaule droite je serai et te murmurerai des paroles réconfortantes.

Vous n’aurez qu’à suivre les signes, ils se manifesteront de bien de manières inattendues, des clins d’œil d’amour.

Un enfant qui s’en va ce n’est pas normal, pas logique, pas humain. C’est certain. Mais si notre destinée, dès notre venue au monde, est de s’approcher pas à pas vers ce chemin de traverse dessiné rien que pour nous, petits anges qui partent trop tôt ?

Un ange est fait pour voler, pour être libre, pas enchevêtré dans les rayons de son lit d’hôpital.

Un petit ange, vêtu de blanc, vêtu d’or, rejoint la cohorte d’autres petits anges, partis eux aussi trop tôt. Ils forment une farandole de joie, de rires, de sourires. Ils ont à présent une mission, très importante. Celle d’être près d’enfants accrochés à leurs berceaux de peines.

Je serai toujours près de vous mes chers parents, mais ce soir je vole…

Je m’appelle Violette, mais je suis aussi Fiona, Isabelle, Sandrine, Mathilde… je suis tous les enfants partis de bien de façons différentes. J’ai 6 mois, 5 ans, 12 ans, 20 ans… mes destins étaient tous distincts, pour moi la maladie, pour d’autres un accident.

Comment mes proches vont-ils survivre à cet évènement tragique et si douloureux ?

Je sais juste que je serai toujours là près d’eux, pour les réconforter d’un frôlement d’ailes, par le cri d’une hirondelle donnant à manger à ses petits, par le sifflement du vent dans les branches de l’olivier, par le rayon du soleil réchauffant leurs corps endoloris.

Mes chers parents je vous aime, je serai toujours près de vous, mais ce soir je vole…

À tous les parents qui ont perdu leur petit ange…

Corinne Christol-Banos – Copyright 2022

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