Je me suis retourné, tu n’étais déjà plus là !
Qu’avais-je donc fait pour mériter cela ?
Je me suis posé la question bien des fois,
Sur mon îlot, tout seul, je suis en émoi.
Comme vais-je surmonter ton absence ?
L’évidence me souffle qu’il faut que j’avance,
Sur l’escabeau humain du temps gradué,
De ton amour absolu d’enfant bien-aimé.
Il m’en a fallu du temps pour devenir ton papa,
Avec tes grands yeux de la couleur du chocolat,
Tu m’as ensorcelé de myriades d’étoiles,
Sur le long rivage de notre amour filial.
Je vais apprendre à bouger autrement,
Dans ce monde si beau, étrangement,
Agrémenté d’aurores boréales,
Pixelisé d’images viscérales.
Du monde d’avant, je me souviens de tout,
De nos fous rires, de nos larmes, de notre goût,
Pour nos galops heureux lors d’un détour,
Quand nous courions sur le chemin du retour.
Les pièces dans mes poches tintaient,
Et tes yeux de petit enfant rayonnaient,
Heureuse de partager cet instant-là,
Le temps d’une course avec ton papa.
À vélo le dimanche après-midi,
Nous pédalions jusqu’à l’infini,
Jusqu’à oublier l’heure du goûter,
Jusqu’à envisager de ne pas rentrer.
Il t’en a fallu du temps pour devenir ma fille,
Quand, avec ton sourire de toute jeune fille,
Tu m’abreuvais de reproches déguisés,
Lorsque mes retards te faisaient hurler.
Nous étions deux, nous sommes un !
La vieillesse m’a désigné défunt !
Pourtant, je me sens toujours bien vivant,
Lorsque tu me contemples en souriant.
Notre amour s’envole et se métamorphose,
En une tendresse bosselée d’ecchymoses,
Sur l’autoroute de la vie sans moi,
Sur le boulevard de la mort sans toi.
Un matin nous nous prendrons à nouveau la main,
C’est moi qui te guiderai sur ce long chemin,
Que tu devras emprunter pour rejoindre la félicité,
De ce monde mystérieux que vous appelez l’après.
Il m’en a fallu du temps pour devenir papa,
Il t’en a fallu du temps pour devenir ma fille,
Ce lien d’amour qui nous serre sur son cœur,
Sera pour toujours le reflet de notre bonheur.
À mon père…
Corinne Christol-Banos – Copyright 2021