Cauchemar en tenue d’insectes…

Corinne-Christol-Banos-Cauchemar-en-tenue-dinsectes…-Nouvelle.jpg

Piste d’écriture : Un caillou dans les rouages

Lorsque l’on a des phobies, on peut se retrouver dans des situations extrêmes pour son cœur ! 

Je vais vous conter une aventure véridique qui est arrivée à deux de mes amies.

Comme à leur habitude, Sylviane et Caro décidèrent de se faire un resto. Caro appela Sylviane pour lui rappeler qu’elle passait la chercher. 

La voilà, donc, ce fameux samedi soir, dans le parking de son amie. Elle se gara, sortit de son véhicule, puis se dirigea vers le bâtiment de Sylviane. Devant le hall de l’immeuble, juste à côté de l’interphone, Caro remarqua une grosse sauterelle grise. 

Vous l’aurez compris : Caro a peur de ces bestioles ! Une peur panique. Elles lui répugnent. 

Elle resta plantée plusieurs minutes sans bouger, puis se décida enfin à sonner tout en évitant soigneusement de la frôler afin qu’elle ne lui saute pas dessus en sentant sa présence. Elle attendait que son amie déclenche l’ouverture de la porte, à une distance respectable de l’insecte, sans le lâcher du regard. Il lui sembla que Sylviane mettait des heures à lui ouvrir. Quand enfin elle pénétra dans le couloir, elle fit un bond en apercevant une deuxième sauterelle, posée en plein milieu de l’entrée. Elle dut faire une grande enjambée pour l’éviter. Elle trouva étrange que deux de ces bestioles soient présentes à cette heure-là, à seulement quelques mètres l’une de l’autre, mais ne s’y attarda pas.

Lorsqu’elle arriva à l’appartement de son amie, elle lui raconta ses mésaventures. Celle-ci rit de bon cœur en la voyant dans tous ses états. 

Elles papotèrent un moment puis se préparèrent à partir.

Elles commentaient leur future soirée, tout en descendant l’escalier en riant.

Arrivées au bas des marches, Caro agrippa le bras de son amie en faisant un signe de tête en direction du hall. La fameuse sauterelle qu’elle avait contournée en montant, s’était déplacée et se trouvait à présent en plein milieu de la toute dernière marche. Impossible de passer sans prendre le risque de voir la bestiole leur sauter dessus ! Malgré le fait que Sylviane n’ait pas aussi peur que Caro de ces insectes, elle dut s’avouer que d’en trouver une, au beau milieu de l’escalier, ne lui plaisait pas tant que ça. De plus, elle était énorme !

Mutuellement, tout en riant aux éclats, elles s’incitaient à passer en premier, mais aucune des deux ne se sentait le courage d’en prendre le risque. Elles attendirent un moment, espérant qu’un voisin viendrait à leur rescousse mais personne ne sortant, elles décidèrent de booster la méchante, qui, obstinément, refusait de bouger. La seule idée qui leur vint à l’esprit fut de lui jeter un objet pour la faire partir. Une boîte d’allumettes fit l’affaire.

Laborieusement elles visaient la bestiole, mais les bâtonnets tombaient toujours à côté. Se moquant de leurs lamentables performances, elles commençaient à croire qu’elles allaient passer la soirée dans le hall !

Au neuvième essai, lorsque enfin une allumette atterrie sur le dos de la vilaine, celle-ci daigna se déplacer en faisant un bond vers les filles, qui poussèrent un cri perçant. Elles arrivèrent néanmoins à l’éviter tant bien que mal et c’est avec un soupir de soulagement qu’elles atteignirent la porte. Mais il y avait encore une sauterelle à franchir, celle scotchée sur l’interphone ! La mauvaise surprise fut de constater qu’une troisième colocataire était venue rejoindre la deuxième non invitée !

Sylviane regarda son amie et lui dit :

« C’est bizarre toutes ces sauterelles !

Avec des contorsions dignes de gymnastes de haut niveau, elles sortirent enfin de l’immeuble.

Mais alors qu’elles se croyaient « sauvées » Caro poussa un hurlement, et Sylviane sursauta de surprise en l’entendant. Elle suivit son regard épouvanté et fit un recul devant le spectacle que ses yeux lui transmettaient. Le bitume s’était transformé en gigantesque boulevard dédié aux sauterelles. Des milliers d’insectes, posés à même le sol, recouvraient entièrement tout le parking ! Pas un centimètre carré sans qu’il y en ait un. Elles étaient simplement là, immobiles, et quelques- unes seulement remuaient leurs ailes. Bizarrement, pas une seule sur les véhicules.

Les deux amies se serrèrent l’une contre l’autre, terrorisées.

C’était compliqué pour Caro de se contrôler lorsqu’il y avait une seule de ces bestioles, alors gérer ce déferlement de sentiments qui se déchaînaient en elle face à toutes ces créatures, lui était impossible. Sylviane n’en menait pas large non plus.

La scène avait quelque chose de psychédélique !

Elles se seraient crues dans un film de Stephen King. Elles songèrent un instant à renoncer à leur sortie, puis se reprirent et prenant leur courage à deux mains, décidèrent de combattre leur phobie.

D’un commun accord, elles inventèrent une technique, qu’elles nommèrent : le pas glissé. Elles avancèrent à pas prudents sans soulever les pieds. D’une part, parce qu’elles ne pouvaient pas avancer normalement sans prendre le risque d’en écraser, et c’était complètement exclu pour elles deux. Tout simplement répugnant que d’entendre craquer sous leurs pieds ces insectes qu’elles abhorraient. D’autre part, pour éviter de les effrayer et de provoquer leur envol.

Les yeux pratiquement fermés pour ne pas les voir, se tenant les mains, elles progressaient tout doucement et poussaient du bout de leurs chaussures les sauterelles qui, ne se sentant pas menacées, ne bondissaient pas et se laissaient déplacer tacitement.

Un pas, puis un autre, sans crier. Un exploit au vu de la situation. Elles avançaient, priant intérieurement pour qu’aucune n’ait l’idée de grimper sur leurs jambes. Sans panique, sans énervement, elles arrivèrent à la voiture de Caro au bout d’un effort constant de maîtrise de leur phobie. Elles ne se parlaient même pas, de peur de les affoler.

Mais le plus dur restait à venir : il fallait qu’elles rentrent dans le véhicule sans qu’un seul de ces insectes ne décide de s’y inviter ! Car alors, ce serait la panique générale si l’un d’entre eux se faufilait à l’intérieur.

Avec précaution elles ouvrirent les portières, entrèrent tout d’abord une jambe, puis l’autre et tout doucement, sans brusquerie, refermèrent derrière elles.

Avant de crier victoire, elles vérifièrent que pas une seule sauterelle n’était entrée, et enfin soulagées, partirent d’un grand éclat de rire.

Elles allaient avoir une sacrée histoire à raconter !

Pourquoi toutes ces sauterelles étaient venues se poser là, dans ce parking ?

Cela resterait un mystère…

Corinne Christol-Banos – Copyright 2020

Laissez un commentaire

1 commentaire

Rejoignez la communauté